LE NOUVEAU MARCHÉ DES SERVICES AUX PERSONNES ET À DOMICILE
Que se soit pour le soutien scolaire, l’assistance informatique, les gardes d’enfants, l’aide aux personnes dépendantes, le ménage ou encore les repas à domicile ou le jardinage,… les services à domicile sont pléthore et près de 2,5 millions de ménages y feraient déjà appel.
La première raison de l’essor des services à domicile est le vieillissement de la population française : les pouvoirs publics estiment qu’en 2020 il y aura 2 millions d’octogénaires qui auront besoin d’assistances diverses comme les courses, les repas… Si aujourd’hui le secteur est en grande partie couvert par le milieu associatif, le marché potentiel intéresse un nombre croissant de professionnels.
En parallèle, le marché des cours à domicile et de la garde d’enfants s’est développé très rapidement, avec des enseignes nationales telles que ACADOMIA, FAMILY SPHERE.
Ces services ont réellement pris leur essor grâce au mécanisme de la réduction fiscale prévue par l’article 199 sixdecies du Code Général des Impôts.
En parallèle, le code du travail a été adapté, un nouveau chapitre IX étant dorénavant consacré aux « services à la personne ». En vertu des articles L 129-1 et suivants du Code du travail, le « marché » des services aux personnes, initialement animé par des associations, a été ouvert à l’entreprise.
La nouvelle condition posée avant de commencer toute exploitation dans ce secteur est l’obtention d’un agrément délivré par l’Etat.
LES DEUX TYPES DE FRANCHISE EXISTANTS DANS CE DOMAINE
En examinant les différents réseaux de franchise dans ce domaine, nous ne pouvons que constater l’existence de flux financiers et de liens de droit très complexes, les acteurs étant multiples : le franchiseur, le franchisé, les personnes physiques exécutant les prestations, les familles, l’URSSAF, le Trésor.
Pour organiser les rapports entre ces différents intervenants, deux types de franchise coexistent : le modèle dit « prestataire » et le modèle dit « mandataire ».
L’essence du premier modèle de franchise réside dans le fait que les personnes physiques exécutant les prestations pour le client final sont des salariés du franchisé. Dans ce premier groupe, les règles de fonctionnement de la franchise sont classiques : la transmission d’un savoirfaire du franchiseur au profit du franchisé, une assistance initiale et continue, et l’usage d’une marque notoire. Sur le plan financier, le franchisé perçoit ses honoraires du client final. Le franchisé paie au franchiseur les redevances dues.
Le deuxième modèle est formé de réseaux de franchise dits « mandataires ». Le franchiseur a construit son modèle économique dans le seul but de conservation durable du pouvoir : (1) le franchiseur contrôle l’ensemble des flux économiques puisque l’intégralité des sommes versées par les clients sont déposés sur un compte géré exclusivement par le franchiseur ; (2) le franchiseur a mis en place un système informatique par lequel les ordinateurs utilisés chez le franchisé sont de simples terminaux, entièrement contrôlés à distance par le franchiseur, toutes les informations sur les familles et les professeurs étant conservées par le franchiseur ; (3) le franchiseur domine les liens de droit existants avec la famille, les professeurs, et l’URSSAF, par un système de double mandat.
En premier lieu, les professeurs et les familles mandatent le franchisé afin de réaliser des prestations :
- les professeurs mandatent le franchisé pour les mettre en rapport avec des familles et les assister par la fourniture d’outils pédagogiques ;
- les familles mandatent le franchisé afin qu’il sélectionne le professeur, et gère la relation de travail au nom et pour le compte de la famille qui est l’employeur du professeur.
En second lieu, le franchisé dans le corps même du contrat de franchise, mandate le franchiseur afin que ce dernier, concrètement, se substitue au franchisé dans l’ensemble de ses engagements vis-à-vis des familles et des professeurs. Ainsi, seul le franchiseur gère réellement le dossier de chaque professeur en éditant les fiches de paie, en payant les salaires et les cotisations. Le franchiseur édite également les attestations fiscales remises aux familles en mai de chaque année destinées à être jointe à la déclaration de revenu pour bénéficier de la réduction d’impôt.
En conclusion, dans ce modèle, le franchisé peut se concentrer sur l’animation du point de vente, la réception physique tant des familles que des professeurs. Le franchisé s’appuie pour tout le reste sur le franchiseur qui a su développer de très puissants outils informatiques et logistiques qui seuls lui permettent de gérer les milliers de professeurs exécutant des cours à domicile à travers la France.
LE RISQUE DE REQUALIFICATION DÉCOULANT DE L’EXCÈS DE CONTRÔLE
Le modèle dit « mandataire » permet certes au franchiseur de conserver un contrôle réel sur le franchisé et la clientèle du franchisé. En pratique, il suffit que le franchiseur suspende le lien informatique pour empêcher le franchisé d’exploiter la franchise.
Sur les flux financiers, les sommes destinées au règlement des paies des professeurs, de l’URSSAF et autres organismes sociaux sont sur le compte du franchiseur. En vertu du système du mandat inclu dans le contrat de franchise, le franchisé confie en effet au franchiseur le mandat de gérer cette question en ses lieux et place. Le franchisé est donc entièrement tributaire de la coopération du franchiseur pour assurer le règlement des paies des professeurs et des cotisations dues.
Si le contrat de franchise est suspendu ou interrompu, le contrat de mandat inclu dans le contrat de franchise est ipso facto suspendu ou interrompu. Le franchiseur devrait en conséquence restituer les sommes qu’il avait conservées es qualité de mandataire du franchisé.
Or, le contrat de franchise ne prévoit pas toujours la restitution de ces sommes et le franchiseur ne prend pas l’initiative de restituer ces sommes au franchisé. Ce dernier est pourtant le gardien juridique des sommes confiées au franchiseur. En effet, le franchisé, est propriétaire de sa clientèle. Le franchisé a signé, tant avec la famille qu’avec le professeur, par acte séparé, un contrat de mandat aux termes duquel il prend la responsabilité exclusive, es qualité de mandataire des familles et des professeurs, de gérer le volet social. Il n’est pas anodin de préciser que les modèles d’acte de mandat signé entre le franchisé et les familles et professeurs sont édités par le franchiseur.
Ces précisions nous interpellent quant à la nature réelle du rapport juridique mis en place par le franchiseur :
- le franchisé, en effet, ne peut pas exercer son indépendance n’ayant pas le contrôle des flux financiers. Les règlements des familles sont faits habituellement au nom du franchiseur, les sommes étant versées directement sur le compte du franchiseur sans être remises à l’encaissement du compte du franchisé,
- le franchisé agit exclusivement comme animateur du point de vente, en prenant les commandes des parents,
- le franchisé ne peut ouvrir le point de vente que s’il est agréé par le franchiseur,
- l’économie du contrat conduit en réalité le franchiseur à gérer la facturation et les prix.
Le risque de requalification est donc sérieux, plusieurs qualifications pouvant être envisagées, en particulier celle d’agent commercial et celle de l’article L 781-1 du code du travail.
En cas de requalification es qualité d’agent commercial, la sanction est redoutable. La jurisprudence sanctionne le mandant, en cas de résiliation anticipée du contrat, à indemniser l’agent. Le seul moyen d’échapper à cette sanction est de démontrer la commission par l’agent d’une faute grave. Ce fait exonératoire de responsabilité n’est pas facile à établir.
En cas de requalification sous le visa de l’article L781-1, la voie judiciaire est ouverte pour solliciter la nullité du contrat pour vice du consentement par exemple, le franchisé se retrouvant sans clientèle alors qu’il avait signé le contrat pour, à terme, créer un fonds de commerce qui lui appartienne.
EN CONCLUSION
Un franchiseur souhaitant se développer dans ce nouveau marché doit offrir à la signature un contrat de franchise lui assurant un contrôle réel, mais mesuré, sur le franchisé. L’écueil à éviter est donc celui d’un contrat exerçant un contrôle excessif sur le franchisé. Cela laisserait le champ libre au franchisé pour agir en requalification.
Juillet 2007
Gilles Menguy
Avocat & Solicitor
gmenguy@gm-avocats.com