La Reconnaissance des jugements dans les pays du commonwealth

LA RECONNAISSANCE DES JUGEMENTS DANS LES PAYS DU COMMONWEALTH

La question de la clause attributive de compétence est essentielle dans le cadre du commerce international, en particulier dans le domaine de la franchise. En effet, il est essentiel pour un Franchiseur qui souhaite s’implanter en Asie, par exemple, de conclure un contrat de master franchise (ou des contrats de franchise) avec un investisseur local. Ce dernier a généralement le souhait d’obtenir le droit d’exploiter la franchise pour la totalité du pays voire pour l’Asie entière.

La clause attributive de compétence permet de choisir entre : le tribunal compétent du domicile du franchiseur, le tribunal compétent du domicile du master franchisé, l’ordre public, les Tribunaux d’Etats tiers, les Cours d’arbitrage.

Les difficultés viennent souvent du fait que les deux parties souhaitent voir leur tribunal respectif désigné, ou alternativement un tribunal arbitral. Ces options créent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent : si le tribunal est celui de l’une des parties, cela ne revient-il pas à conférer un avantage à la partie qui verrait son tribunal national désigné ? Si les parties optent pour l’arbitrage,
le coût d’une telle alternative n’est-il pas trop élevé et la procédure trop longue en cas d’extrême urgence ?

Il s’avère que les Etats du Commonwealth offrent une alternative intéressante aux acteurs internationaux par le mécanisme législatif de reconnaissance mutuelle des jugements étrangers. De telles lois ont permis de créer des liens de procédure entre les pays du Commonwealth qui gagnent à être connus et valent la peine d’être utilisés. En effet, il est important de rappeler que le Commonwealth compte 53 Etats indépendants parmi lesquels figurent l’Australie, le Sultanat de Brunei, le Canada, l’Inde, la Malaisie, le Pakistan, Singapour, L’Afrique du Sud, Chypre, la Jamaïque…

Au sein des Etats composants le Commonwealth règne un climat propice aux relations d’affaires, a fortiori facilitant l’adoption de règles de conflits de lois bilatérales ou multilatérales, étant donné que le droit des Etats membres est issu de la Common Law telle qu’on l’entend en Angleterre et au Pays de Galles.

Par exemple, si un franchiseur européen souhaite s’implanter en Malaisie, l’une des questions qui se pose est : le tribunal compétent doit-il être celui du cocontractant européen ou bien le juge malais? L’Etat européen préfèrera sans doute la compétence de son tribunal, par crainte de voir le juge malais être trop « proche » du master franchisé. En effet, les franchiseurs européens qui
s’implantent en Asie entrent généralement en relation d’affaires avec de puissantes familles locales, dont « l’influence » est souvent significative, et qui, la plupart du temps, concluent un contrat en vue d’acquérir le droit d’exploiter la franchise pour tout le pays voire plusieurs. Ces familles peuvent payer le droit d’entrée et investir plusieurs millions de dollars.

L’une des meilleures solutions dans ce cas est d’examiner les mécanismes de reconnaissance en Malaisie des jugements étrangers, ce qui nous amène à étudier le chapitre 264 de la Loi Singapourienne ayant trait à la reconnaissance des jugements du Commonwealth. L’article 5 de ladite loi précise que «(1) Quand le ministre obtient la garantie que les dispositions législatives ont été réciproquement prises par l’un des Etats du Commonwealth, à l’exception du Royaume-Uni, concernant la reconnaissance dans cet Etat du Commonwealth, des jugements de la Cour Suprême de Singapour, le Ministre déclare par le biais d’une publication dans la Gazette que la présente loi peut s’appliquer à des jugements rendus par une Haute Cour dans l’Etat concerné de la même manière qu’elle s’applique à des jugements rendus par une Haute Cour du Royaume-Uni et pour toute déclaration semblable la présente loi devra s’appliquer en conséquence ».

L’intérêt pour le master franchisé de choisir au titre de sa clause attributive de compétence le tribunal singapourien est double : tout d’abord, le choix du droit singapourien permet au master franchisé de garder une proximité avec son environnement culturel ; ensuite, la loi du pays est très proche de celle en vigueur en Malaisie puisque ces deux Etats sont membres du Commonwealth. L’intérêt du franchiseur est double également : premièrement, il évite que le tribunal compétent soit celui du master franchisé, deuxièmement, le tribunal compétent est celui d’un pays reconnu pour son système juridique strict et très proche de la Common Law, d’inspiration européenne, et donc très proche de la culture du franchiseur (même si le franchiseur vient d’une culture continentale).

D’un point de vue pratique, si Singapour est choisi au titre de la clause attributive de compétence et qu’un litige éclate, obligeant le franchiseur à intenter une action en justice pour que le master franchisé malais cesse d’utiliser la marque par exemple, le franchiseur intentera une action « ex-parte » devant le tribunal singapourien afin d’obtenir une ordonnance d’injonction. Celle-ci est
bien entendu rendue sans que le master franchisé ait été entendu. Cela prendrait deux à trois semaines pour que l’ordonnance soit rendue.

En parallèle, une action « in-parte » doit être enrôlée, les parties pouvant alors débattre et présenter leurs arguments respectifs devant le juge. Durant la phase « in-parte » l’injonction « ex-parte » demeurera valable. Dans un délai de 14 à 21 jours après le prononcé de l’ordonnance « ex-parte », le franchiseur devra faire appliquer l’ordonnance en Malaisie. La loi singapourienne ayant trait à la reconnaissance mutuelle des jugements étrangers sera utilisée pour appliquer en Malaisie l’ordonnance singapourienne « ex parte ». En effet, l’ordonnance du tribunal singapourien devra être enregistrée au greffe du Tribunal malais en remplissant un « certificat d’urgence » donnant à l’ordonnance « ex-parte » singapourienne l’autorité de force jugée nécessaire pour être appliquée en Malaisie. La procédure peut être accomplie dans un délai de 2 à 3 jours.

En conclusion, avant de signer un contrat de master franchise quel qu’il soit, il est recommandé au franchiseur d’analyser avec précision toutes les options qui s’offrent à lui, ce y compris celle présentée ci-dessus. Seule la moitié du chemin aura été parcourue : il resterait alors à choisir la loi qui gouverne le contrat.

 

Gilles Menguy

Avocat & Solicitor, GM Avocats

gmenguy@gm-avocats.com

 

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